Dans une tribune publiée dans Le Figaro du 5 septembre 2025, Catherine MacGregor dénonce les chiffres faux lancés dans le débat public au sujet des énergies renouvelables, et rappelle qu'elles rapportent davantage qu’elles ne coûtent à l'économie française. Démonstration à l’appui.
Les énergies renouvelables (ENR) rapportent bien plus qu’elles ne coûtent, contrairement à ce que laisse croire le concours de désinformation qui a marqué l’été. À écouter leurs détracteurs, elles seraient inutiles, trop coûteuses et rejetées par les Français. Ce discours, aussi simpliste que dangereux, prospère d’autant plus dans un contexte d’incertitude, alors que notre politique énergétique reste sans cap clair, la programmation pluriannuelle de l’énergie étant toujours en suspens.
Cet été, la polémique s’est cristallisée autour d’un chiffre fantaisiste : 300 milliards d’euros de prétendus coûts liés au développement des énergies renouvelables sur les dix prochaines années. Face à un chiffre aussi impressionnant, la raison se fige. Or il repose sur une addition grossière d’investissements hétérogènes - réseaux, soutien public, infrastructures - faisant référence à des échelles de temps différentes, certaines allant jusqu’à 2060. Une estimation sérieuse ramène ce chiffre à environ 50 milliards sur dix ans, et encore, dans le cadre d’un scénario de prix de l’électricité bas. Car lorsque les prix de l’électricité montent, les renouvelables rapportent à l’État, comme cela a été le cas pendant la crise énergétique. La bagatelle de 5,5 milliards d’euros en deux ans !
Non, les renouvelables ne font pas flamber les factures. L’éolien et le solaire ne sont responsables que de moins de 5 % de la hausse de la facture d’électricité sur les dix dernières années. Arrêter leur développement, c’est d’abord renoncer à la sortie des énergies fossiles. RTE l’a démontré : atteindre la neutralité carbone sans un déploiement massif des ENR est tout simplement impossible. Nier cette réalité, c’est tourner le dos à nos engagements climatiques et compromettre l’avenir des générations futures.
C’est aussi ignorer que les renouvelables sont un levier de souveraineté, de compétitivité et d’emploi. En réduisant notre dépendance au gaz et au pétrole importés - souvent issus de régimes instables ou autoritaires - elles renforcent notre indépendance. Trente-cinq années de soutien aux énergies renouvelables (en supposant qu’elles ne rapportent rien) équivalent à une seule année de facture pétrolière. Cela représente, pour chaque Français, une dépense annuelle de 1000 euros à la pompe. Développer les renouvelables, c’est tourner le dos à un modèle de dépendance qui nous endette et nous appauvrit tous.
Les ENR sont de plus en plus compétitives : en dix ans, le coût du solaire a été divisé par dix, celui de l’éolien par trois. Elles contribuent à faire baisser les prix de gros de l’énergie, avec un effet modérateur sur les prix à long terme. La vérité, c’est qu’elles rapportent plus qu’elles ne coûtent : lorsque l’État engage 1 euro de soutien, les entreprises investissent 6 euros en France. Bien plus, elles recréent de la valeur au cœur des territoires, les plus ruraux d’entre eux l’ont bien compris. Une seule éolienne rapporte 10.000 euros par an en fiscalité locale, permettant de financer des projets concrets : rénovation d’école, toiture d’église, équipements publics… Elles créent des emplois locaux (50.000 emplois directs), des emplois durables et non délocalisables, qui participent à la réindustrialisation du pays. Et l’idée de faire un moratoire reviendrait à mettre en pause ces filières industrielles émergentes, autant dire à les condamner à jamais : un non-sens industriel !
Pour toutes ces raisons et contrairement à ce que certains laissent entendre, les Français savent que nous avons besoin des renouvelables et ils en perçoivent les bénéfices. Cessons donc d’opposer les énergies car ce débat, ils l’ont tranché : selon un récent sondage Ifop, ils estiment que le pays a besoin de nucléaire ET des ENR pour la production d’électricité. La vraie question n’est pas de savoir si nous risquons de produire trop d’électricité, mais comment électrifier nos usages - chauffage, mobilité, industrie - pour sortir des énergies fossiles. La transition du thermique vers l’électrique est la clé d’un modèle énergétique durable. Arrêter aujourd’hui, c’est fragiliser la France demain.
Pendant que nous nous enlisons dans des polémiques stériles, d’autres puissances avancent, la Chine, l’Inde, en créant les conditions de leur souveraineté et de leur compétitivité. Plus près de nous, en Pologne, en juin 2025, 44 % de l’électricité produite était renouvelable, contre 43 % par le charbon, sa source de production électrique historique. En attendant l’arrivée du nucléaire dans plusieurs années, autre option choisie par les autorités polonaises, ce sont bien les renouvelables qui mettent en œuvre la décarbonation du pays.
Alors reprenons notre destin en main et misons aussi sur les renouvelables !